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samedi 18 mai 2013

Baby Love


Baby Love
de Joyce Maynard                                                                 
Editions Philippe Rey 2013 /  19 €- 124.45  ffr. / 302 pages
ISBN : 978-2-84876-296-8
FORMAT : 14,5 cm × 22,0 cm
Mimi Perrin (Traducteur)
Voir aussi :

- Joyce Maynard, Une adolescence américaine - Chronique des années 60, Philippe Rey, Avril 2013, 232 p., 17 €, ISBN : 978-2-84876-298-2


Eros et Thanatos

Au début des années 70, paraît aux États-Unis un livre qui fait sensation. Il s'agit d'Une adolescence américaine, dans lequel une jeune fille de dix-neuf ans, Joyce Maynard, témoigne de sa vision de l'Amérique sous la forme de petits essais percutants. Son intelligence a séduit un monstre sacré des lettres américaines, J.D. Salinger, de plus de trente ans son aîné, dont elle est devenue la maîtresse-objet. Leur relation dure un an puis Salinger la rejette brutalement. Le choc émotionnel anéantit Joyce Maynard qui racontera en détail, dans une autobiographie parue en 1998, Et devant moi, le monde, sa vérité sur cette passion destructrice, provoquant au passage un énorme scandale, ravageur pour sa carrière. Cependant, Joyce Maynard n'a pas attendu 1998 pour lever une partie du voile sur cet épisode douloureux.

De façon surprenante, Baby Love, son premier roman, paru en 1981, qui semble à première vue traiter du sujet de la maternité précoce, vire rapidement à une analyse sans concession du couple et explore jusqu'à l'horreur l'idée de la soumission féminine. C'est dans une petite ville du New Hampshire que vivent Sandy, dix-huit ans, et ses trois copines Tara, Wandy et Jill, un peu plus jeunes qu'elle. Sandy, maman de Mark Junior, cherche à reproduire l'idéal du foyer propret que l'on voit dans les magazines, même si son jeune époux n'y trouve pas vraiment son compte. Tara vit avec sa mère qui déteste son bébé, fruit d'une première relation sexuelle sans lendemain. Wandy élève seule sa fille et n'y arrive pas. Quant à Jill, qui habite avec ses parents, la découverte de sa grossesse fait fuir son petit ami. Seule pour gérer le problème, elle souhaite avorter au plus vite mais encore faut-il trouver l'argent nécessaire.

Très convaincante dans ces portraits d'adolescentes touchantes de fragilité face à des responsabilités trop lourdes pour elles, Joyce Maynard l'est encore davantage lorsqu'elle décrit des adultes à la dérive dont la trajectoire vient croiser celle des quatre jeunes filles. Entre autres, ce couple new-yorkais qui vient s'installer en ville dans une maison prêtée par des amis. Greg est artiste et découvre en Tara une muse dont il va tomber éperdument amoureux. Mais Carla, sa compagne, obsédée par le désir viscéral d'avoir un enfant, a justement choisi ce moment pour transformer le désir en réalité. Et puis Ann, qui a acheté une maison et s'y terre. Dépression profonde, troubles du comportement alimentaire... son histoire ressemble beaucoup à celle de Joyce Maynard. Difficile de ne pas reconnaître Salinger dans le personnage de Rupert, l'amant écrivain plus âgé pour lequel elle a tout quitté par dévotion amoureuse et qui l'a abandonnée, la laissant seule face à une vie désormais dénuée de sens. Un homme pourtant la désire sans qu'elle le comprenne tout de suite ; il s'agit du père de Jill, embourbé dans un mariage calamiteux...

Un jour, touchée par une petite annonce qu'elle lit dans le journal et qui parle d'amour exclusif et passionné, Ann prend contact avec Wayne, un dangereux psychopathe, enfermé pour le meurtre effroyable d'une jeune femme dont il avait fait son esclave sexuelle. Galvanisé par l'idée qu'une autre femme puisse l'accompagner dans sa folie de toute-puissance, Wayne parvient à s'échapper et part retrouver Ann. Sera-t-elle la prochaine victime consentante ? Le roman s'achève sur une scène des plus troublantes...

Incisif, cru et profondément perturbant...

Florence Cottin-Bee
( Mis en ligne le 15/05/2013 )
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