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mardi 9 avril 2013

Une petite fortune

Une petite fortune                                                       
de Rosie Dastgir
Christian Bourgois 2013 /  20 €- 131  ffr. / 440 pages
ISBN : 978-2-267-02426-5
FORMAT : 12,0 cm × 20,0 cm

Anne Damour (Traduction)


Entre Orient et Occident

Depuis une bonne trentaine d'années, la littérature post-coloniale fleurit outre-Manche et contribue au dynamisme enviable de la scène littéraire britannique. Un courant éclectique qui rassemble des écrivains venus d'horizons divers et s'enrichit régulièrement de nouveaux talents. Dans le sillage d'Hanif Kureishi, après Zadie Smith et Monica Ali, voici Rosie Dastgir (née de père pakistanais et de mère anglaise) qui livre sa vision de l'Angleterre multiraciale et des difficultés rencontrées par les immigrés des première et seconde générations.

Harris, le protagoniste, a quitté son village pakistanais dans les années soixante-dix pour venir s'installer en Angleterre et y épouser l'ambitieuse Molly. Une nouvelle vie qui l'oblige à abandonner sa foi. Molly ne comprend pas que le sentiment d'être devenu un mauvais musulman puisse torturer son mari et finit par le quitter après dix ans de mariage et la naissance de leur fille Alia. Harris quitte alors le Sud-Est coquet pour rejoindre ses cousins implantés dans le Nord et sur leur conseil y achète une épicerie. Quand Harris reçoit une somme importante que lui devait son ex-épouse suite à leur divorce, il se retrouve paradoxalement bien ennuyé !

«Harris passa la nuit à se tourmenter, se demandant que faire de cet argent, comme s'il était impératif de décider sur-le-champ. L'option la plus simple consistait à déposer la somme sur un compte d'épargne qui rapporterait des intérêts et lui assurerait une petite réserve. Mais d'une certaine manière il répugnait à laisser dormir l'argent. D'après le Coran, c'était un péché de thésauriser des biens octroyés par la grâce d'Allah alors que d'autres autour de vous étaient dans le besoin...»

L'attribution de cette manne financière constitue le fil directeur du récit mais logiquement Rosie Dastgir en profite surtout pour décrire deux cultures en complète opposition et ce faisant n'évite pas toujours les clichés (archaïsme contre modernité, tentation de l'intégrisme religieux…) et donc la caricature.

En matière de premier roman, Une petite fortune se lit pourtant avec plaisir mais souffre difficilement la comparaison avec Le Bouddha de banlieue, Sourires de loup et Sept mers et treize rivières. Il manque la démesure provocatrice, la flamboyance du style et la subtilité du propos. Parmi les trois éléments, un seul aurait d'ailleurs suffi à rendre ce texte qui reste un peu gentillet diablement plus convaincant. Mais il y a également des passages qui dégagent une force prometteuse et une sensibilité particulière (en particulier ceux qui se rapportent au voyage qu'Harris effectue avec Alia dans son pays nat
al).

Reste maintenant pour Rosie Dastgir à se frayer un chemin dans la cour des grands.

Florence Cottin-Bee
( Mis en ligne le 08/04/2013 )
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