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dimanche 15 février 2009

Truth and Consequences : Alison Lurie


Truth and Consequences
Alison Lurie
Vintage 2006

Scènes de la vie conjugale

« Beaucoup de mes romans ont pour cadre une université parce que j’ai vécu là une grande partie de ma vie d’adulte, d’abord en tant que femme d’universitaire et plus tard en tant que professeur – difficile d’écrire sur des univers que je ne connais pas. »
Dixième opus d’Alison Lurie, née en 1926, La vérité et ses conséquences, ne déroge pas à cette règle et l’on retrouve avec grand plaisir la plume acérée d’une pétillante vieille dame, aussi perspicace et malicieuse qu’à ses débuts. Célèbre pour ses comédies de mœurs caustiques - dont l’époustouflant Liaisons étrangères (Foreign Affairs 1984 ) récompensé par le prix Pulitzer, la romancière brode à nouveau sur ses thèmes de prédilection : le microcosme universitaire, qui tient généralement du panier de crabes, l’art et le milieu des artistes pas nécessairement plus reluisant, les relations conjugales en voie de décomposition avancée et la poursuite mouvementée du bonheur.
La première page du roman donne le ton lorsque Jane Mackenzie ne reconnaît pas immédiatement son mari qui rentre à l’improviste. Alan, professeur et historien d’art, spécialisé dans l’architecture du dix-huitième siècle, s’est gravement blessé le dos en jouant au volley-ball avec ses étudiants quinze mois plus tôt. Depuis, Jane, qui dirige un centre de recherches en sciences humaines à l’université de Corinth, assiste consternée à la métamorphose de son brillant et fringant époux en malade irascible, boulimique et nombriliste. Jane reste fidèle à ses principes de vertu et de bonté, veillant aux moindres besoins d’Alan, mais ne peut s’empêcher de ressentir une frustration et une colère grandissantes qu’il lui reproche de ne pas exprimer.
Tous deux se fourvoient donc pour des raisons différentes dans le cercle vicieux de l’exaspération et de l’incompréhension.
Entre alors en scène un deuxième couple. Invitée par l’université à honorer quelques repas de sa prestigieuse présence et accessoirement à donner au compte-gouttes conseils et conférences, la célèbre Delia Delaney connue pour ses essais, ses poèmes et ses contes de fées arrive à Corinth. Diaphane, éthérée, sujette à d’épouvantables migraines, elle exige de son mari Henry une assistance permanente, lui imposant la gestion de toutes les affaires matérielles, évidemment indignes de sa condition d’artiste.
Jane qui doit veiller à l’accueil et au bon déroulement du séjour de Delia conçoit envers cette dernière une antipathie instantanée. Henry, par contre, efficace et pragmatique comme elle ne la laisse pas indifférente. L’attirance est réciproque …
De son côté, Alan trouve en Delia une muse improbable et manipulatrice qui lui ouvre cependant la perspective d’une nouvelle vie, en l’encourageant à développer sa flamme créatrice.
Il s’agit donc ici d’un quatuor amoureux, à la différence des trios adultérins étudiés dans Les Amours d’Emily Turner (Love and Friendship 1962) quand Emily, lasse de son mariage avec un terne universitaire tombe éperdument amoureuse d’un musicien ou Conflits de famille (The War between the Tates 1974) dont l’action se déroule d’ailleurs également à Corinth et qui met en scène un professeur, sa jeune maîtresse et son épouse bafouée.
Autre nouveauté, si à l’instar de Jenny Walker d’Un été à Key West (The Last Resort 1998) Jane est au départ une femme en retrait au service d’un conjoint misanthrope et objectivement odieux, Alison Lurie lui offre un alter ego masculin, dominé par une infernale castratrice.
Et puis, l’air de rien, la coquine octagénaire parsème son roman de piques irrévérencieuses mais particulièrement drôles à l’égard d’une Amérique post 11 septembre, maladivement susceptible et engagée dans un délire sécuritaire totalement ridicule.
Un peu shocking sans doute pour les lecteurs d’outre-Atlantique mais Alison Lurie a prouvé depuis longtemps qu’elle préférait l’arsenic aux vieilles dentelles !

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