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dimanche 15 février 2009

The Electric Michelangelo : Sarah Hall




Sarah Hall
The Electric Michelangelo
Faber& Faber
2004

L’art de l’aiguille

Lauréate du Commonwealth prize for a first novel avec Haweswater, publié en 2002,
Sarah Hall avait séduit de nombreux critiques, impressionnés par la maturité artistique et le talent éclatant de cette jeune Britannique, née en 1974. Deux ans plus tard, The Electric Michelangelo provoque à nouveau l’enthousiasme (sélectionné pour les prestigieux Booker Prize et Orange Prize for Fiction) confirmant la stature littéraire de son auteure.
Cy Parks, le Michel-Ange du titre voit le jour à Morecambe, petite station balnéaire du nord-ouest de l’Angleterre au début du vingtième siècle. Orphelin de père, il est élevé par sa mère, Reeda qui tient un hôtel fort particulier puisqu’elle y accueille en priorité des tuberculeux en fin de vie. Le sang que le petit garçon transporte dans des bassines est celui de malades dont Reeda adoucit la mort par sa présence réconfortante mais Cy comprend vite la provenance d’un autre sang, résultat d’activités menées nuitamment dans le plus grand secret. Cette fois symbole de vies avortées.
Cette proximité avec la douleur et la souffrance explique sans doute la fascination de Cy pour les blessures de la chair et de l’âme. Lorsqu’il rencontre Riley, un tatoueur renommé, quelques années plus tard, Cy se sent prédestiné au même avenir.
La relation qui se noue entre le maître et l’apprenti se révèle riche et complexe. Personnage noir et dur, intransigeant également, Riley prend en charge l’éducation de Cy lorsque Reeda meurt, terrassée par un cancer foudroyant. Cy, quant à lui veille sur ce père de substitution qui noie son génie dans l’alcool.
Au fil du temps, la véritable signification de son art lui apparaît peu à peu. Plus proche d’un thérapeute que d’un dentellier mécanique, le tatoueur est avant tout un scribe qui saisit l’essence d’une personne au travers de ses expériences heureuses ou malheureuses, avouées ou devinées, puis la retranscrit sur sa peau. Point de refuge métaphorique dans cette création possible uniquement si l’encre se mêle au sang.
Après le suicide de Riley, Cy s’embarque pour les Etats-Unis et jette l’ancre à Coney Island, cousine éloignée et décadente de sa ville natale. Dans une atmosphère de carnaval obscène, au milieu des phénomènes de foire et des montagnes russes, il loue une petite baraque et devient The Electric Michelangelo.
Autour de lui évoluent, des marginaux qui vivotent de leur difformités naturelles ou parfois fabriquées. Dans cette galerie de personnages aux histoires incroyables, une femme se détache, nimbée de mystère.
Grace semble avoir fui les dangers que lui faisait courir sa judéité dans l’Europe nazie de la fin des années 1930 et a rejoint Coney Island où elle travaille comme cavalière et funambule. Farouchement indépendante, elle revendique sa liberté de femme qui dispose d’elle-même comme elle l’entend.
Souhaitant transformer son corps en objet d’attraction afin d’en vendre la vision, elle demande à Cy de le tatouer du même motif répété –un œil vert bordé de noir.
Les seize séances de tatouage au cours desquelles Grace offre son corps à Cy sont une merveille d’érotisme et une captivante exploration du désir amoureux.
Victime d’un déséquilibré, religieux fanatique qui l’asperge d’acide pour nettoyer l’insupportable provocation, Grace survit par miracle et donne à Cy quelques mois plus tard la plus belle preuve d’amour et de confiance, lui dévoilant son corps mutilé, avant de disparaître définitivement. Quelle sera la réaction de Cy ?
Sarah Hall laisse son lecteur libre d’interpréter à sa guise la fin de ce roman profondément original et surtout brillamment écrit. Le choix de Dylan Thomas pour l’épigraphe n’est pas
innocent. La langue anglaise devient un instrument dont la romancière tire des accords magistraux. De son propre aveu, elle voulait créer avec The Electric Michelangelo « une sorte d’hybride entre la poésie et la prose » Les croisements donnent parfois des résultats surprenants mais on le sait « le Beau est toujours bizarre. »(Mis en ligne en février 2005 sur sitartmag)

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