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dimanche 15 février 2009

Rue du Pacifique : Thomas Savage


Thomas Savage
Rue du Pacifique
Titre original : The Corner of Rife and Pacific
Traduit de l’américain par Pierre Furlan
Editions Belfond 2006

Go West, Young Man !

Entre la reconnaissance officielle de Grayling, dans le Montana en 1890 et l’élection de Warren Harding à la présidentielle de 1920 s’écoulent trente années au cours desquelles la petite ville assiste à la naissance et à l’épanouissement d’une rivalité féroce opposant les Melten et les Connor, deux familles de pionniers aux valeurs morales antinomiques.
« Ce n’était pas entièrement de son gré que John Melten était venu dans le Montana ». Rejeté par son père qui lui préfère son frère aîné, plus apte à gérer les affaires familiales, John et son épouse, Lizzie partent pour Grayling, à la conquête d’un nouvel espace de vie. Tout semble possible dans ces territoires vierges que l’homme blanc n’a pas encore défrichés. John, l’éleveur de bétail, poète amoureux de la terre, choisit d’exploiter un ranch puis pour diversifier ses activités de se faire construire un hôtel.
Martin Connor, assoiffé de pouvoir, décide de fonder une banque et de consacrer son énergie à l’accroissement de sa fortune personnelle. À l’instar d’autres nouveaux venus peu scrupuleux, Martin déteste les Indiens et organise leur déportation.
Une attitude indigne aux yeux de John et de Lizzie qui entretiennent des liens d’amitié avec certains membres de la tribu. Deux visions du monde s’affrontent lorsque la jeune femme essaie vainement d’intervenir auprès du banquier qui se montre ignoble. Le mépris et la rancune creusent alors de part et d’autre un fossé infranchissable.
Le conflit perdure entre les héritiers respectifs, Zack Metlen, intellectuel solitaire et Harry Connor, séducteur flamboyant. Surtout lorsqu’entre en scène, Anne Chapman, une somptueuse créature d’origine indienne …
Le propos semble quelque peu manichéen - la grandeur d’âme et l’altruisme face à la petitesse d’esprit et à l’égoïsme ; les gentils, que la vie n’épargne pas face aux méchants à qui tout réussit - divers malheurs frappent en effet les Metlen tandis que les Connor poursuivent leur irrésistible ascension. Jusqu’à l’inévitable retour de balancier…
Pourtant, Rue du Pacifique, treizième opus de Thomas Savage ne s’enlise pas dans le mélo facile et vise autre chose que la simple saga familiale.
Puisant dans le mythe de la frontier, l’écrivain y décrit de façon réaliste le Montana du début du vingtième siècle – Eldorado, peu à peu vicié par l’industrialisation galopante et le capitalisme triomphant.
Né en 1915 à Salt Lake City, décédé en 2003, Savage a passé sa jeunesse dans un ranch du Montana, exerçant divers métiers manuels avant de se consacrer définitivement à l’écriture. Volontiers lyrique quand il évoque les paysages grandioses de l’Ouest américain, il montre comment la violence et la sauvagerie de ce décor peuvent influer sur les rapports humains et façonner de complexes paysages intérieurs.
Célèbre aux Etats-Unis depuis la sortie en 1967 de son premier roman Le Pouvoir du chien , dans lequel il s’attaque au tabou de l’homosexualité masculine dans le Montana des années 1920, Thomas Savage n’est traduit que depuis peu en français. (Le Pouvoir du chien, Belfond, 2002, La Reine de l’Idaho, Belfond, 2003)
La saveur particulière et la simplicité travaillée de ses romans régionaux méritent incontestablement le détour.

(Mis en ligne le 22/05/2006 sur parutions.com)

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