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dimanche 15 février 2009

Notes on a scandal : Zoë Heller


Zoë Heller
Notes on a scandal

Une si bonne amie

Lorsque la très belle Sheba Hart, 41 ans , mariée et mère de deux enfants, se présente à St George, un collège londonien bas de gamme pour y enseigner la poterie, son arrivée fait sensation. Si la gent masculine en frétille de plaisir, les femmes oscillent entre jalousie et fascination. Parmi elles, Barbara Covett, professeur d’histoire, non loin de la retraite qui vit seule avec son chat. Barbara voit immédiatement en Sheba la possibilité d’une amitié forte qu’elle recherche désespérément et s’immisce peu à peu dans les bonnes grâces puis dans la vie de sa collègue.
Entre bientôt en scène Steven Connolly qui ne résiste pas plus que les autres au charme sulfureux de Sheba. Seul problème – Steven a 15 ans. La relation qui se noue entre le professeur et l’élève, d’abord platonique se mue en passion physique. Déboussolée, la jeune femme se confie alors à son amie.
Notes on a scandal est donc le récit de l’affaire dont Barbara se fait la narratrice et qu’elle souhaite publier au moment où l’affaire va être jugée. Pour dire la vérité face à des journalistes graveleux qui salissent Sheba? Rien n’est moins sûr.
Si elle prétend au titre de témoin objectif, elle se révèle au fur et à mesure de l’histoire une narratrice bien peu fiable, remodelant la réalité au gré de ses multiples frustrations.
C’est d’abord sa vie ratée que Barbara raconte – la solitude et le quotidien glauque - les petits plaisirs dérisoires que l’on s’offre pour tromper la monotonie, la disponibilité et les agendas vides. Mais également son amour ambigu pour Sheba.
S’amusant à brouiller les pistes, elle laisse le lecteur libre de son interprétation. Amour maternel ? Tentation saphique ? Symptôme d’un profond malaise psychique ? En tout cas, elle s’approprie l’histoire et la vie de Sheba – qu’elle parvient à contrôler totalement. Pourtant Barbara n’est pas seulement une diabolique manipulatrice.
Zoë Heller (d’origine anglaise mais américaine d’adoption) dit s’être inspirée pour le sujet de Notes on a scandal d’un fait- divers qui a défrayé la chronique aux Etats-Unis en 1997 – la condamnation pour détournement de mineur d’une enseignante de Seattle, Mary Kay Letourneau, 37 ans qui avait avoué des relations sexuelles avec l’un de ses élèves, âgé alors de 13 ans et maintenant père de deux de ses enfants.
Mais la romancière choisit d’utiliser l’amour interdit entre Sheba et Steven pour révéler la part d’ombre des différents personnages.
La finesse et la justesse de l’analyse psychologique éblouissent. Zoë Heller dissèque les passions de l’âme avec une précision d’entomologiste et dépeint des relations aussi complexes que la nature humaine.
Journaliste de formation, elle n’épargne guère ses collègues et souligne à l’encre rouge leur recherche frénétique du scoop et du scabreux. Elle fait, par ailleurs, un portrait peu flatteur, mais fort drôle du milieu enseignant, où la bassesse le dispute à l’étroitesse d’esprit.
Très agréable à lire, ce deuxième roman s’appuie sur une construction impeccable qui recourt habilement aux procédés du flash-back et de la mise en abîme
Même si le prix est finalement revenu à DBC Pierre pour Vernon God Little, Notes on a scandal méritait sans conteste sa sélection pour le Man Booker Prize 2003.

(mis en ligne en mai 2004 sur sitartmag)

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