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samedi 14 février 2009

Petite musique des adieux : Jennifer Johnston



Jennifer Johnston
Petite musique des adieux
Belfond 2003
18.30 euros 249 pages
ISBN : 2-7144-3846-6
Titre original : The gingerbread woman
Traduit de l’anglais (Irlande) par Anne Damour

Accord parfait

Grande dame des lettres irlandaises contemporaines, Jennifer Johnston aborde avec finesse dans cette Petite musique des adieux le thème de la perte de l’autre et de l’infinie souffrance qui en résulte.
Après quelque temps à New-York et une histoire d’amour qui finit mal, Clara, la trentaine, revient dans son Irlande natale. Elle se sent mutilée, au propre comme au figuré, confiant à ce propos : « durant ces derniers mois, je me suis retrouvée engloutie dans une horrible mélasse de commisération envers moi-même. Un truc que je déteste. Je n’ai jamais voulu être ce genre de personne. » Elle choisit alors l’écriture comme exutoire. Le roman qu’elle décide d’écrire lui permettant de maîtriser une réalité qui lui a échappé.
Lar, par contre, s’enlise dans la douleur et la haine des autres, refusant d’accepter la mort de sa femme et de son enfant, victimes du terrorisme. « Désolé, désolé. Le monde entier me disait qu’il était désolé. Même les salauds qui les ont tuées étaient désolés. Ils ont dit que je devais comprendre qu’ils déploraient la mort de toutes les victimes civiles innocentes, mais qu’ils n’étaient pas responsables. C’était la faute… »
Quittant Belfast pour l’anonymat de Dublin, il rencontre Clara au hasard d’une promenade. Peu de temps après, celle-ci lui assène : « Je ne veux pas entendre parler du Nord, c’est tout. Pas de Nord dans cette maison. Vous pouvez me parler de votre enfant, de votre mère, de vos rêves perdus mais pas du Nord. Pas de ces conneries de ‘vidés de nos tripes par l’Histoire’. Ne polluez pas ma maison avec ça. »
Le conflit et l’opposition font donc partie de la thématique mais également de la structure même du roman qui confronte deux points de vue antagonistes avant qu’un dialogue ne devienne possible. La valse des pronoms personnels donne d’ailleurs un relief particulier aux constants changements de perspective.
Jennifer Johnston utilise aussi un subtil système de mises en parallèle. Les rapports mères-enfants, les souvenirs amoureux se font écho et se complètent.
La gravité du ton n’exclut pas l’humour (noir, de préférence !) et l’espoir qui renaît illumine les toutes dernières pages de ce roman, décidément magnifique.

(Mis en ligne le 29/09/2003 sur parutions.com)

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