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dimanche 15 février 2009

Chimamanda Ngozi Adichie : Purple Hibiscus


Purple hibiscus
Chimamanda Ngozi Adichie
Harper Perennial 2005
First published by Fourth Estate 2004

La Fleur du Mal

Comment se montrer courageux face à la tyrannie et à l’oppression ? Epineuse question, subtilement disséquée, dans le premier roman de la jeune Nigériane Chimamanda Ngozi Adichie, née en 1977, à Abba.
Kambili, quinze ans, la narratrice de Purple Hibiscus vit avec son frère aîné, Jaja dans une prison dorée. Leur père Eugène, propriétaire de plusieurs usines et du seul journal indépendant du Nigéria, figure respectée pour son courage politique, sa générosité et son altruisme est également un Catholique intégriste qui fait régner la terreur, une fois les portes de la vaste propriété refermées. Converti à l’adolescence par des prêtres blancs, il ne supporte plus depuis le paganisme de ses ancêtres. Obsédé par le péché et l’idée d’éradiquer chez les siens toute attirance pour le Mal, Papa exerce donc au nom de la religion d’incessants sévices moraux et physiques à l’égard de Beatrice, son épouse et de ses enfants, tout en activant fréquemment le levier de la culpabilisation.
Aucune place pour le plaisir dans cette succession de rituels, de prières, où même l’excellente nourriture ne se déguste pas mais s’avale la gorge serrée tant est omniprésente la peur d’avoir déplu à Papa.
Le portrait de ce monstre à visage humain évite intelligemment la caricature et demeure convaincant de bout en bout.
Le bourreau se double d’un être torturé qui aime profondément ses proches.
Cet amour muselle toute remise en question et sa famille se soumet donc au départ sans broncher.
L’avenir semble tracé, lorsque le pays où règne une insolente corruption connaît un coup d’état mené par Big Oga - tyran sanguinaire vraisemblablement inspiré par le général Sani Abacha qui imposa au Nigéria une sombre période de junte militaire dans les années quatre-vingt-dix. L’oppresseur bâillonne vite les bouches récalcitrantes, menaçant et exécutant les opposants.
Se sentant en danger, Eugène confie les deux enfants à sa sœur. De mauvaise grâce car
à l’image des précieux mais fragiles hibiscus mauves qu’elles cultive, « symbole d’une liberté d’être et de faire », Ifeoma, professeure d’université, n’accepte pas les règles qu’on veut lui imposer et permet à ses trois enfants de s’épanouir dans une joyeuse atmosphère de discussion.
Dans le modeste petit appartement, autour d’une table frugale mais réconfortante, le regard de Kambili évolue, ses certitudes vacillent et la frontière entre le Bien et le Mal s’estompe.
La romancière capte avec finesse ce lent éveil de la conscience qui mène la jeune fille sur le chemin d’une libération du corps et de l’esprit.
Cependant que faire une fois la prise de conscience accomplie ? Qu’elle se situe dans la sphère familiale ou politique, la rébellion de l’intérieur s’avère un leurre. Seules deux réponses véritables s’offrent aux personnages.
Ifeoma choisit d’abandonner le combat. Jugée dangereuse par le nouveau régime, elle perd son emploi et décide d’émigrer en Amérique pour continuer à exercer son métier et se défaire d’une pression insupportable.
Beatrice, épuisée par tant d’années de soumission résignée explose soudain, commettant un acte fou qui entraîne un dénouement pour le moins inattendu.
Là encore, l’analyse est fine, Chimamanda Ngozi Adichie ne se fait pas d’illusions et démontre qu’il n’existe malheureusement pas de solution totalement satisfaisante.
La jeune femme rend aussi un bel hommage à son pays qu’elle a quitté à 19 ans pour poursuivre ses études aux Etats-Unis.
Purple Hibiscus mêle odeurs, couleurs et sons en un tableau bigarré et joliment évocateur.
Une première œuvre fort prometteuse.

(Mis en ligne en juin 2005 sur sitartmag)

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